• L’éducation et l'enseignement en Tunisie entre 1881 et 1956 



     

     

     

     Suite à une crise économique et financière (1867) qui touche tous les domaines, la Tunisieconnaît le protectorat français le 12 mai 1881, après le traité de Bardo qui met le pays sous la régence dela République Française.

    Affaibli par cette crise générale, l’Etat n’accorde aucune importance à l’éducation, l’école est marginalisée ainsi que l’enseignement traditionnel. Le savoir est centralisé à Tunis et à quelques grandes villes. D’ailleurs,  vers la fin du XIXème  siècle, on ne peut pas parler d’un système éducatif proprement tunisien. En fait, à cette époque, il  existait deux                                   systèmes : le premier, le plus ancien, est islamique et destiné exclusivement aux garçons,  citadins pour la plupart. C’est le type d’enseignement dispensé à la  Jamma (l’université) Zaitouna[1] (l’olivier) à Tunis où les élèves reçoivent en arabe une formation religieuse, littéraire et scientifique .On peut noter aussi, la présence de quelques écoles coraniques qui enseignent la religion et le saint Coran dans les régions rurales. L’enseignement y est dogmatique et se base sur la mémorisation des textes coraniques  et n’est régi par aucun programme officiel ni  manuel scolaire.

    Le deuxième type d’enseignement est européen, avec principalement les écoles missionnaires italiennes et françaises. En effet, la Tunisiecomptait avant 1881 près de 23 institutions[2] offrant une éducation primaire dont la plus ancienne  était française, le collège de Saint Louis, fondé en 1845 à Tunis. La langue d’enseignement y était essentiellement le français ou  l’italien, bien que l’arabe fût  aussi parfois  enseigné. Cet enseignement se référait à des programmes officiels et utilisait des  manuels scolaires.

    La Franceapporta des changements majeurs aux deux systèmes éducatifs existants. Elle imposa sa langue qui devient la langue officielle du pays à la place de l’arabe. Elle  fonda des écoles sur tout le territoire tunisien et surtout dans les grandes villes : Tunis (en 1881), Sfax, Sousse et  dans les zones militaires au sud (à Médenine en 1896  et à Tataouine  par exemple).

    La constitution de ce réseau d’écoles avait une double visée : accueillir les enfants des colons français et  affaiblir les écoles  italiennes  qui existaient déjà.

    En effet, de 1881  jusqu’à l’orée de la Deuxième GuerreMondiale, une guerre froide franco-italienne eut lieu pour le contrôle linguistique du pays[3].
    Cette guerre culturelle a permis aux pédagogues français libéraux de développer une réforme moderne pour l’enseignement des indigènes. Parmi ces pédagogues : Louis Machuel, le libéral français, directeur de  l’Enseignement Général DEG (à partir de 1883). Il marqua une rupture avec la politique éducative française. Machuel, arabisant reconnu, voulait instaurer une école qui favorise l’égalité entre indigènes et Français de manière à éviter toutes les erreurs pédagogiques, éducatives et culturelles commises en particulier en Algérie. Il demanda un contact amical entre Français et  Tunisiens dans les écoles afin de dissiper les malentendus et les préjugés.

    Cette tendance fut attaquée par les colons, « ils exigèrent que la ségrégation et la différenciation  soient  appliquées dans les écoles, parce que  les enfants du pays n’étaient  prêts intellectuellement »[4] qu’à recevoir une formation rudimentaire ; donc, la grande majorité restait non scolarisée ou était orientée vers une éducation technique, particulièrement vers les ouvroirs, sous prétexte que le pays avait besoin d’une main d’œuvre non spécialisée. Dans ce sens, La Tunisie Française fit observer en 1912 : « …à quoi bon alors avoir construit cette école [des jeunes filles musulmanes] et dépensé 150.000 francs environ qui auraient été plus utiles ailleurs »[5]. Dans d’autres numéros de ce même journal, s’exprimait l’idée que les pires ennemis de la France étaient les jeunes bourgeois tunisiens tel Habib Bourguiba, l’ancien président tunisien éduqué dans les écoles françaises. Donc, la scolarisation des Tunisiens restait limitée et  n’était pas à la portée de l’immense majorité. Jusqu'à l’indépendance du pays, seulement 14% de la population était scolarisée dont la majorité est constituée de bourgeois et d’enfants de fonctionnaires tunisiens qui travaillent dans les administrations françaises en place.

     

          Pour conclure, nous pouvons dire que l’école tunisienne connaissait la langue française à partir de 1881 comme langue véhiculaire[6], bien que l’intégration de l’enseignement du français remonte à bien plus haut que cette date. C’est en effet à une quarantaine d’années plus tôt, avec la fondation de l’école militaire de Bardo que le français fut adopté comme langue d’enseignement des connaissances scientifiques et techniques de l’Europe.   

    La Francea réussi à installer un réseau d’écoles françaises et/ou d’écoles arabo-françaises dans toutela Tunisie, des écoles où la langue française dominait, puisqu’elle était la seule langue d’enseignement de toutes les disciplines. Cette forte présence du français dans le système éducatif, a pu affaiblir et desservir le système éducatif islamique celui de Jamâa Zaitouna et des écoles coraniques et par là même la langue arabe, et dans ce sens une littérature tunisienne d’expression française naissait au début de XXème siècle et rendait plus intense l’influence de la langue française sur la société tunisienne. 

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    [1] L’université de Zaitouna, l’olivier est la première institution éducative et universitaire du monde arabe,  fondée en 737 au sein de mosquée Zaitouna à Tunis. 

    [2] Julia Clancy Smith, « L'École Rue du Pacha, Tunis : l'enseignement de la femme arabe et « la Plus Grande France » (1900-1914) », Clio, numéro 12-2000, Le genre de la nation, [En ligne], mis en ligne le 24 mai 2006. URL : http://clio.revues.org/index186.html . Consulté le 20 décembre 2008.

    [3] R. Kammoun, « Diversité linguistique en Tunisie : le français a-t-il perdu de sa suprématie ? », FIPLV World Congress 2006, Göteborg- Suède, 15-17 juin 2006

    [4] Julia Clancy Smith, « L'École Rue du Pacha, Tunis : l'enseignement de la femme arabe et « la Plus Grande France » (1900-1914) », ibid.

    [5] A N, Tunis, E-271-4 ; La Tunisie Française, 5 janvier 1912, cité par Julia Clancy-Smith

    [6] Langue véhiculaire, c’est une langue simplifiée utilisée par une communauté linguistique ayant une langue        différente  et qui sert comme un moyen de communication ou comme outil pour l’enseignement, comme dans le cas dela Tunisie où les sciences sont enseignées en français.  

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